Can Ci Pin - Chapitre 151 - Tu as l'air d'un clochard pleurnichard
Lin Jingheng n'aurait normalement pas été tiré si facilement, mais il semblait s'efforcer frénétiquement de dissimuler quelque chose lorsque Lu Bixing fit soudain irruption dans la pièce. La surprise de cette intrusion inattendue fit perdre l'équilibre au commandant, qui s’écrasa directement contre le corps de Lu Bixing.
Lu Bixing encaissa le choc de plein fouet et manqua de tomber au sol, vacillant sur ses jambes encore engourdies. Pourtant, il s'accrocha fermement à Lin Jingheng et fixa par-dessus l’épaule du commandant l’objet qu’il semblait vouloir dissimuler plus tôt : une grande boule de cristal.
Lu Bixing resta interdit en contemplant cet objet familier ; il peinait presque à se rappeler d’où il venait.
Quelques instants plus tard, des souvenirs longtemps enfouis refirent surface peu à peu. Il se souvint : c’était à l’époque où la Huitième Galaxie émergeait à peine de ses ruines.
Le Premier ministre Edward était encore en vie. Ils parcouraient ensemble la Huitième Galaxie ; le vieux Premier ministre portait en permanence un air préoccupé, comme si le poids de toutes les inquiétudes reposait sur ses épaules. Pendant ce temps, Lu Bixing, insouciant, prenait en charge les bagages et explorait les environs avec la légèreté de quelqu’un qui transformait un voyage d’affaires en vacances.
Sous la protection d’une autorité plus sage et plus forte, il se laissait aller à son optimisme naïf. Il entraînait joyeusement ses quatre étudiants, suivant les pas du Premier ministre. Sur chaque planète où ils faisaient escale, il ramassait des minéraux uniques qu’il utilisait pour sculpter des étoiles lumineuses, rêvant de paix pour la Huitième Galaxie. Il créa des cieux étoilés artificiels avec de la résine époxy et les offrit avec la maladresse d’un jeune homme amoureux, espérant impressionner l’objet de son affection, comme un chiot enthousiaste agitant sa queue devant ceux qu’il aimait.
… Plus tard, il avait enfermé cette boule de cristal avec les vieux effets personnels de Lin Jingheng dans cette sorte de petite zone interdite de la maison. La boule de cristal, autrefois brillante de lumière stellaire, avait perdu beaucoup de ses couleurs avec le temps, au point que le ciel étoilé qu’elle représentait s’était considérablement terni.
Ce vieux Premier ministre, qui ne comprenait rien au langage de l’amour et n’avait su que commenter : « Si seulement la Huitième Galaxie pouvait un jour ressembler à ta magnifique sculpture », n’était plus. Il avait transmis ce lourd et épuisant fardeau qui marquait son visage de préoccupation à ce jeune homme.
Tout cela semblait appartenir à une vie antérieure.
Lin Jingheng, encore abasourdi par cet « assaut » soudain, ne reprit ses esprits qu’à ce moment-là. Son menton reposait sur l’épaule de Lu Bixing, et il faillit se mordre la langue sous le coup de la surprise. Il repoussa alors le jeune homme et gronda : « Mais qu’est-ce que tu fais ? T’as été mordu par un chien enragé pendant ton sommeil ou quoi ? »
« Désolé... » marmonna Lu Bixing d’un ton penaud.
Ce mot eut un effet étrange sur Lin Jingheng, comme s’il l’exaspérait davantage. Son regard s’assombrit encore. Une avalanche de reproches et d’insultes brûlait déjà sur le bout de sa langue, mais il fut stoppé net en entendant Lu Bixing poursuivre d’une voix hésitante : « Il reste moins de trois heures avant l’heure de la réunion que j’ai fixée, et je pensais pouvoir attendre jusque-là pour te voir et te parler, mais… désolé, je ne peux plus attendre. Je suis à bout. Je ne peux même pas supporter une minute de plus. »
Lin Jingheng n’avait pas dormi de la nuit et était déjà épuisé tant physiquement que mentalement. Il sentait son cerveau manquer d'oxygène à cette heure tardive, et, en entendant les mots de Lu Bixing, il oublia soudain tout ce qu’il avait l’intention de dire.
Les jambes de Lu Bixing commencèrent enfin à le faire souffrir, comme si des milliers d’aiguilles piquaient ses muscles. Il émit un léger sifflement de douleur alors qu’une expression de souffrance traversait son visage. Même dans cet état, ce Premier ministre aux membres engourdis restait immobile et résolu, s'accrochant fermement au bras de Lin Jingheng, refusant de reculer et faisant un pas courageux en avant.
Lin Jingheng : « ...... »
Alors que Lin Jingheng réfléchissait à l'idée de jeter ce jeune homme dehors, Lu Bixing étendit les bras et avança encore d’un pas, enserrant fermement les épaules du commandant. Lu Bixing s’accrocha à lui de toutes ses forces et poussa un grand soupir de soulagement, presque prêt à tirer Lin Jingheng au sol avec lui.
L’esprit de Lu Bixing se vida complètement, une seule pensée émergea : ‘Qu’est-ce que je faisais avant ? Pourquoi ne suis-je pas venu plus tôt ?’
« Directeur Lu, je m'excuse de ma franchise, mais vous montrez clairement des signes de dépendance. Êtes-vous sûr de ne pas avoir pris de drogues illégales ? » La voix de Zhanlu résonna depuis la porte, alors que les robots de réparation montaient les escaliers un par un pour réparer la porte cassée.
« Je ne sais pas, » marmonna Lu Bixing. « Le Maréchal est-il illégal ? »
Ces mots qu’il balança sans réfléchir sonnaient plus suggestifs qu’il ne l’avait voulu. La colère de Lin Jingheng n’avait pas encore diminué et il se retrouva soudainement confronté à une taquinerie, alimentant davantage la colère en lui, ses oreilles se teintant de rouge.
« N'importe quoi, » répondit-il. Le commandant se tourna alors vers Zhanlu : « Est-ce que j’ai déjà levé ta punition ? Qui t'a laissé monter ? »
Zhanlu – en tant qu’IA pauvre qui ne savait jamais si son maître plaisantait ou était sérieux – répondit en repliant son bras robotique en forme de point d’interrogation et répondit : « Monsieur, c'est vous qui m'avez demandé de monter ce matin pour vous aider à organiser les changements stratégiques des troupes envoyées dans le Cœur de la Rose. »
« ....... » Lin Jingheng se rappela enfin qu'il avait donné cet ordre. Heureusement, il était habitué à être déraisonnable et ne se sentait pas gêné par cette petite erreur. « Sors. »
Zhanlu emporta alors la porte cassée et ordonna aux petits robots de réparation de reprendre leur travail.
Le grenier à demi-ouvert laissa entrer une brise nocturne qui éteignit aussi le feu dans le cœur de Lin Jingheng. Il s’appuya légèrement contre un ancien équipement de formation en gravité, sentant déjà sa tête devenir plus lourde à cause du manque de sommeil.
Lin Jingheng resta silencieux pendant quelques instants alors qu’il tentait de trouver un endroit où s’asseoir, pour finalement réaliser, après avoir scruté l’espace autour de lui, qu’il n’y avait nulle part où s’asseoir dans cette petite pièce remplie de trésors, à part le rebord de la fenêtre sur lequel il s’était déjà assis.
« Tu ne pourrais pas au moins nettoyer un peu cet endroit ? » dit-il avec un soupçon de fatigue. « Tu entasses tout ici, ça devient une salle de stockage. »
Les lèvres de Lu Bixing bougèrent légèrement.
Lin Jingheng lui lança un regard : « Si tu veux dire quelque chose, dis-le. »
« Ce n’est pas une salle de stockage. » Les jambes de Lu Bixing sortirent enfin de cette douleur lancinante alors qu’il se redressait. « C’est mon… mon… »
Les sens de Lin Jingheng commençaient aussi à revenir lentement alors qu’il remarquait enfin que les épaules et les mains de Lu Bixing se raidirent dès qu’il lâcha le jeune homme devant lui. C’était une sorte de rigidité que l’on voyait fréquemment chez les soldats qui dormaient avec leurs armes, constamment en état d'alerte, calculant tout autour d’eux – une vision familière pour Lin Jingheng, comme s’il se regardait dans un miroir.
Les deux se regardèrent en silence pendant quelques instants. Lin Jingheng lut le plus difficilement possible ses épaules ; c’était en fait assez difficile pour quelqu’un comme lui, habitué à être sur le qui-vive en permanence. La détente n’était pas la norme, et elle demandait donc plus de concentration et d’effort conscient.
« ...... C’est mon cœur. » Lu Bixing termina enfin sa phrase après avoir balbutié un moment. « Quand tu n’étais pas là, je le fermais à clé et je faisais comme si je ne le voyais pas. Parce que si je ne peux pas te voir, je peux enfin arrêter d’être le lâche que j’étais. »
Lin Jingheng demanda d’un ton bas : « Qui a dit que tu étais un lâche ? »
Lu Bixing ne répondit pas à sa question, « Si mon ancien moi avait eu le même pouvoir de renverser le cours du monde que j’ai maintenant, Turan ne m’aurait pas mis K.O. »
Le regard de Lin Jingheng traversa son visage en un instant : « C’est moi qui ai donné une approbation tacite pour que Turan t’assomme. »
« Je sais, c’était parce que je ne pouvais pas… je ne pouvais rien faire pour toi à ce moment-là. Je ne pouvais pas invoquer une flotte entière pour toi même si je sortais en petit mécha pour bloquer le feu de l’AUS. Je n'avais pas de plans capables de changer la donne non plus, et je... dans cette situation, je n’aurais même pas pu réparer le trou que Samedi avait causé… Je voulais juste te retrouver pour mes propres raisons égoïstes. Si j’avais été Turan à sa place, j’aurais aussi fait la même chose à moi-même, ce n’était pas de sa faute. »
Lin Jingheng interrompit : « C’est du passé maintenant, tu n’as pas besoin de revenir là-dessus. »
« D’accord, parlons de maintenant, alors. Si je pouvais être plus fort, assez pour manipuler les jeux politiques de l'Union et instiller la peur chez les autres, je pourrais te dire que peu importe ce que tu... et même ce que les Dix d’Argent pensent ou décident de faire, je serais capable de vous soutenir tous. »
Lu Bixing le regarda. Peut-être était-ce parce qu'il avait enfin prononcé ces mots à voix haute, ou peut-être que son regard était tellement fixé sur Lin Jingheng qu’il mimait inconsciemment le geste de l'autre, mais il détendit lentement son poing à moitié serré. « Mais je ne peux pas. »
Lin Jingheng eut presque envie de répliquer : ‘Qui t'a demandé de t'inquiéter autant pour moi, tu penses que je ne peux pas prendre mes propres décisions ?’
Mais au moment où les mots arrivèrent au bout de sa langue, il les avala violemment.
Parce que Lu Bixing n’était plus ce jeune homme naïf qui donnerait des conseils sans fondement lors d'une réunion et se ferait éjecter par ses aînés plus expérimentés.
Même le Premier ministre Edward n'avait pu maintenir cette farce de gouvernement de la Huitième Galaxie il y avait plusieurs années qu'avec l’aide de Lin Jingheng et du Neuvième Escadron Argenté. Le rôle de Lin Jingheng dans la Huitième Galaxie avait été comme celui du dictateur de la Forteresse d’Argent à l’époque ; personne ne pouvait remettre en question son autorité. Mais ce nouveau cabinet du gouvernement de la Huitième Galaxie était différent : le Neuvième Escadron d’Argent et Turan, qui avaient été propulsés au sommet, avaient perdu la règle absolue de Lin Jingheng, et ces canetons sans direction avaient été forcés de travailler entre eux. Après de longues années de lutte, ils avaient finalement émergé de leurs cocons, façonnant un nouveau leader pour eux-mêmes.
Un nouveau leader d'une gloire et d'un prestige inédits qui ne dépendait plus des autres.
Lin Jingheng resta silencieux pendant quelques instants : « Ça va. »
« Mais je désire encore te te faire mien malgré mon inutilité, suis-je trop avide ? » poursuivit Lu Bixing. « Je te veux, je veux garder les Dix d’Argent dans la Huitième Galaxie, et en plus je veux laisser à la Huitième Galaxie, qui vient de sortir d'une guerre interne, une pause, des moments de paix. Je ne veux pas que ces gens qui ont enfin réussi à bâtir leurs maisons et leur société se fassent de nouveau abattre par une Union en qui nous n'avons plus confiance. Jingheng, te retrouverais-tu dans un dilemme si nous entrons en conflit avec l’Union à ce sujet ? »
Cette fois, Lin Jingheng ne se cacha pas et avoua après une courte pause : « Oui. »
L’Académie Black Orchid était le socle de son âme, tout comme la Huitième Galaxie était celui de Lu Bixing.
C'était un fait qu’il ne pouvait pas oublier ni jeter, peu importe combien de haine et de douleur il avait traversées au fil des ans, peu importe combien de fois il avait répété qu'il n'était plus le Commandant Lin de la Forteresse d’Argent.
« Chaque fois que je n'arrive pas à dormir la nuit, je m'allonge et je pense que la plus grande bénédiction que le monde m’a donnée est que tu sois revenu à mes côtés. » dit lentement Lu Bixing, comme s’il sculptait chaque mot du cœur de sa chair. « Je ne sais pas comment je pourrais remercier cette bénédiction, ni comment je pourrais me prouver digne de ce cadeau. Parfois, j’ai des cauchemars où ils disent que je ne suis pas assez bien, qu’ils vont te reprendre à moi... mais je n’arrive même pas à imaginer comment arrêter de te forcer à faire des choses que tu n’aimes pas, comment je pourrais te rendre plus heureux, même juste un peu. »
« 'Ils ont dit' -- qui sont 'ils' ? » répondit Lin Jingheng d'une voix assez calme. Avant que Lu Bixing n'ait le temps de répondre, il fit un geste pour interrompre ses paroles et dit : « Écoute bien, ce putain de monde de merde ne 'm'a pas retourné', c'est moi qui suis revenu te chercher tout seul. Ce truc de 'destin' ne m'a jamais rien donné de bon de toute ma vie ; c'est moi qui ai brisé la prison galactique, qui me suis frayé un chemin hors de l'abîme et qui suis revenu vers toi même si je devais ramper à quatre pattes, tu m'entends ? Il n'y a pas de putain de 'bénédiction' ici, mais qu'est-ce que tu pensais, bordel !? Je ne me sens même pas coupable – qui t’a dit de te sentir mal pour quelque chose que tu n’as même pas fait ? Et qui t’a appris à parler comme un mendiant pleurnichard qui quémande son prochain repas ? »
Traducteur: Darkia1030
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