ADGWBMC -Chapitre 77- ….. Un peu.

 

Huo Wujiu regarda Wei Kai. Il se massa les tempes, ouvrit la bouche, mais ne dit toujours rien.

Wei Kai sentit que la mâchoire du Général semblait se resserrer un peu, comme s'il serrait les dents. Cette apparence était la preuve que le Général n'était pas content, mais Wei Kai ne pouvait pas comprendre pourquoi.

Les intentions du Général avaient toujours été difficiles à deviner, donc Wei Kai se sentit perdu. Après avoir hésité un moment, il ouvrit timidement la bouche et l’interpela, "... Général ?"

Huo Wujiu le regarda avec indifférence.

"Ce subordonné comprend !" Wei Kai se tint immédiatement au garde-à-vous. Le regard du Général ne lui disait-il pas de ne pas parler hors de son tour ? Il comprenait que bien que le Général ait de tels sentiments, ce n'était pas glorieux et cela ne pouvait certainement pas être déclaré ouvertement.

Il comprenait parfaitement. Il avait parfaitement compris.

Sur base de cette conclusion, Wei Kai sourit chaleureusement à Huo Wujiu. Ce dernier lui jeta un regard furtif et ne prit pas la peine d'approfondir les pensées confuses que Wei Kai "comprenait". Il leva les yeux et regarda par la fenêtre. La nuit était déjà sombre, mais Jiang Suizhou n'était toujours pas rentré.

"Maintenant que tu comprends, va jeter un coup d'œil." L’instruisit Huo Wujiu, "Quand le Prince Jing rentrera chez lui, j'ai quelque chose à discuter avec lui."

Wei Kai hocha la tête à plusieurs reprises et se retira.

*

Pendant ce temps, une bataille faisait rage dans la salle de banquet du palais. Les lettrés formés par la culture de Confucius et de Mencius (NT : philosophe chinois confucianisme du 3e siècle AJC) connaissaient plus ou moins l'euphémisme. Peu importe quand, ils se montraient un certain respect mutuel et exprimaient poliment leur pensée.

Par conséquent, les ministres à la cour avaient aussi leur propre façon de s'entendre. Même s'ils répliquaient, ils ne piétineraient pas vraiment le visage de l'autre. Mais Lou Yue était différent. C'était une personne qui n'avait jamais lu de livres, et le raisonnement de ces lettrés ne faisait pas de sens à ses yeux.

 

Au moment où son discours tomba, la salle du palais devint complètement silencieuse. Tous les courtisans retenaient leur souffle et n'osaient plus parler.

Il fixait Pang Shao seul, et Pang Shao était assis là avec une rare expression laide sur le visage.

Pang Shao garda le silence pendant un moment et parla avec réticence d'un ton glacial : "Je crains que le général Lou ait trop bu. Quelqu'un, aidez le général Lou à retourner se reposer."

C'était sa façon de sauver son propre honneur et d'exprimer un avertissement à Lou Yue.

Mais Lou Yue fit la sourde oreille. Il rit froidement et dit à voix haute : "Je ne suis pas ivre. Je suis très sobre. Vieux renard sournois Pang, si j'avais trop bu aujourd'hui, je crains que ta tête aurait déjà roulé sous la table."

Le visage de Pang Shao devint encore plus sombre. Dans la salle éblouissante, les courtisans vêtus de vêtements élégants se regardèrent les uns les autres et jetèrent des coups d'œil furtifs à Pang Shao.

Pang Shao était habitué à vivre comme un prince et ne supportait plus depuis longtemps de souffrir ainsi. Il appuya sa main sur la table et résista à l'envie de quitter la table.

Lou Yue... Lou Yue !

Il avait depuis longtemps décidé de s'occuper de cet homme. Après aujourd'hui, il devait faire savoir à cet homme imprudent que s'il était provoqué, il le hacherait en morceaux et rendrait sa vie pire que la mort.

Il serra les dents et ne parla pas pendant un moment.

C'est alors qu'une voix se fit entendre sur le côté. "Puisque aujourd'hui est le jour de célébration du mérite du général, si vous avez des désaccords, vous pourriez aussi bien en parler en privé. Général, veuillez retourner à votre siège pour le moment. Ne soyez pas discourtois devant Sa Majesté."

Lou Yue tourna la tête et découvrit que c'était Qi Min. Il se souvenait de ce vieil homme. Bien qu'il soit bavard et agaçant les jours normaux, il s'opposait toujours à Pang Shao et se mêlait de ses propres affaires. Qu'est-ce qui n'allait pas avec ce vieil homme ? Il n'était parti que depuis un an, et maintenant il portait le même pantalon que Pang Shao ?

Une fois qu'il réalisa que Qi Min s'avançait pour parler en faveur de Pang Shao, Lou Yue ne fit pas preuve de clémence. Il le regarda et demanda : "Discourtois ? Puisque vous êtes le ministre des Cérémonies, cette affaire est effectivement sous votre contrôle. Alors laissez-moi vous poser une question. Est-il approprié pour un prince royal d'épouser un prisonnier de guerre ?"

 

Qi Min fronça les sourcils, le regarda, se rassit après un moment et ne dit plus rien.

Lou Yue lança un regard furieux à Pang Shao, puis lança la coupe qu'il tenait. Il s'approcha de l'Empereur sur le trône, s'agenouilla et salua : "Ce Général reconnaît son impétuosité aujourd'hui, mais veuillez y réfléchir attentivement, Votre Majesté. Si vous faites quelque chose de préjudiciable à la réputation de la famille céleste parce que vous êtes contraint par des gens traîtres, cela ne nuira pas au visage des dupes, mais à la suprématie de Votre Majesté."

Le visage de Hou Zhu était tout aussi laid. Lou Yue était frivole, mais il avait ce capital pour être frivole.

Même s'il était tête en l'air à ce point, Hou Zhu savait aussi qu'il n'avait actuellement aucun autre général comme lui à la cour. Même s'il était mécontent de Lou Yue, il n'oserait pas l'exécuter. Lou Yue était le seul rempart redoutable pour le Grand Jing d'aujourd'hui.

Il remua les lèvres et acquiesça à contrecœur, "Compris."

Lou Yue se leva franchement et retourna à sa place.

Le repas mécontenta aussi bien l'hôte que les invités, et quand l'heure vint, le banquet fut dispersé à la hâte.

Qi Min monta dans la voiture et la voiture était sur le point de partir quand son meilleur ami se précipita pour l'arrêter, se faufilant dans la voiture.

"Qu'est-ce qui se passe ?" Qi Min était vieux et avait bu du vin. Il se sentait étourdi et s'appuyait contre la voiture pour se reposer.

Son bon ami s'assit devant lui et demanda de façon incompréhensible, "Pourquoi le ministre Qi a-t-il dit ça aujourd'hui ?"

Qi Min ouvrit les yeux pour le regarder et dit : "Parce que Lou Yue a vraiment dépassé les bornes aujourd'hui et a déplu à Sa Majesté."

Ce n'était pas ce que Qi Min aurait du dire.

Son bon ami riposta anxieusement : "Ministre Qi, ne me taquine pas !"

Qi Min répliqua : "Je ne plaisante pas." Il se redressa et dit lentement : "Comme tu l'as vu, le général Lou a parlé franchement. Aujourd'hui, il n'a pas seulement offensé Pang Shao, mais il a aussi déplu à Sa Majesté. Les généraux militaires sont toujours plus ou moins frivoles. C'est courant. Mais la crédulité du général Lou ne venait pas de ses mérites, mais de son irritation réelle envers Pang Shao et de sa préoccupation pour le Grand Jing."

L’ami hocha la tête, "C'est sûr !"

Qi Min soupira. "Dans ce cas, Pang Shao ne le tolérera pas."

Son bon ami remarqua, "... Est-ce une conjecture de ta part ? Mais maintenant, sans Lou Yue, le Grand Jing n'aura plus de bon général."

Qi Min baissa les yeux. "Toi et moi nous inquiéterons de cela, mais pas Pang Shao", dit-il. "Quand je suis sorti de table, j'ai délibérément marché près de Pang Shao, et j'ai vu quelqu'un s'approcher pour le réconforter. Quand il a dit franchement à l'homme, 'Laisse-le être arrogant. Il rencontrera de grandes difficultés à l'avenir', j'ai su que j'avais deviné juste."

Son bon ami s'exclama anxieusement, "Ça ne peut pas être bon !"

Qi Min réfléchit un moment, puis parla tranquillement. "On ne peut pas vraiment le laisser s'en tirer ainsi", dit-il. "C'est pourquoi j'ai dit ces mots aujourd'hui, afin de provoquer un différend avec le général Lou et de tracer une ligne claire avec lui. De cette manière, Pang Shao ne s'éloignera pas trop, et peut-être même testera mes intentions, afin de m'utiliser. Bien que je sois vieux et décrépit, j'ai aussi quelques connaissances à la cour. À ce moment-là, nous pourrons toujours trouver des indices. Quoi qu'il veuille faire, il y aura toujours des traces que nous pourrons suivre et des moyens pour les briser."

L'ami réfléchit un moment, hocha la tête en signe d'approbation et déclara, "Ta méthode est prometteuse." Après avoir parlé, il soupira et continua, "J'ai toujours su que tu étais honnête et direct, mais maintenant il semble que tu es aussi astucieux."

Qi Min sourit à ses paroles et secoua la tête. "Je ne suis pas astucieux", contredit-il. "C'est seulement récemment que son Altesse le prince Jing m'a secrètement sauvé. C'est alors que j'ai soudain réalisé que dans un combat avec Pang Shao, je devrais apprendre que la défense est parfois la meilleure attaque."

De l'autre côté, des éclats indistincts d'injures se firent entendre dans la voiture de Lou Yue. Lou Wanjun était assise à côté et riait ouvertement. "De quoi es-tu contente !" Lou Yue était furieux.

Lou Wanjun répondit avec un sourire, "Rien. C'est juste que père n'a pas mâché ses mots aujourd'hui. C'était plutôt plaisant à voir."

"Il est inutile de me réprimander !" dit Lou Yue en colère, "L'action absurde a déjà été commise. C'est juste dommage..."

En parlant de cela, il ne savait soudainement pas s'il était dommage que la bonne cour impériale ait été ruinée de cette manière, ou dommage que l'enfant, Huo Wujiu, ait subi cette épreuve.

" Dommage pour frère Huo ?" l’incita Lou Wanjun.

Lou Yue devint sombre et ne parla plus.

Il savait qu'il était désolé pour le Marquis de Dingbei, mais la cause juste de sa famille et de son pays était là. En tant que général, il ne devait pas être influencé simplement à cause des affaires privées de son frère. Mais — mais...

Son frère était mort sur le champ de bataille, et il ne savait même pas où il était enterré. Il n'avait que ce fils, mais maintenant il le regardait alors que cet enfant était torturé et mutilé, demandant la mort, et humilié en tant que concubin.

Lou Yue se sentait tourmenté.

Cependant, Lou Wanjun riait doucement à côté de lui, elle tendit la main et lui tapota l'épaule. Elle le réconforta, "Père, ne sois pas trop triste. C'est déjà arrivé. Au moins, ce Prince Jing ne semble pas être un scélérat. Il ne fera vraiment rien à frère Huo."

Lou Yue la fixa, "Comment sais-tu que c'est une bonne personne après une seule rencontre? Juste parce qu'il est beau ?"

"Bien sûr que non. Si tu penses que c'est un misérable, pourquoi ne l'as-tu pas réprimandé aujourd'hui ?" En parlant de cela, Lou Wanjun ne put s'empêcher d'ajouter, "Cependant, c'est vrai qu'il est plutôt beau."

Lou Yue éleva la voix, "Même ainsi, cet enfant n'aurait pas dû être marié avec lui !"

Lou Wanjun le persuada, "C'est quelque chose à propos de laquelle tu ne devrais vraiment pas t'inquiéter, Père. Tant qu'il est en vie, subir un peu d'humiliation est une affaire insignifiante. De plus, tu es juste réticent. Comment sais-tu que frère Huo n'était pas consentant ?"

"Absurdités !"

"Ce ne sont pas des absurdités. Qui a fait en sorte que le Prince Jing ait l'air si incroyable ? Frère Huo n'est pas aveugle."

*

La nuit était déjà bien avancée quand Jiang Suizhou rentra chez lui. La seule chose qu'il ressentait était l'épuisement.

Cela était dû au fait qu'il avait été occupé toute la journée. Avec une telle tempête au banquet du soir, il se sentait pratiquement vidé d'énergie.

Lou Yue était effectivement un ministre loyal et un général exceptionnel. C'était une personne excellente, mais Jiang Suizhou ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter.

Dans les livres d'histoire, Lou Yue avait été dépouillé de son pouvoir militaire et décapité. Il n'était pas mort sur le champ de bataille, mais entre les mains de son propre monarque et de ses collègues officiels, ce qui montrait que Pang Shao voulait s'en débarrasser depuis longtemps.

De plus, Lou Yue était trop direct et n'avait pas peur de se faire des ennemis.

Jiang Suizhou était inévitablement mal à l'aise, craignant que Pang Shao ne le tue. Si Lou Yue ne connaissait pas non plus une fin heureuse, Jiang Suizhou ne serait jamais en paix avec lui-même.

Il avait un mal de tête lancinant. En plus il avait bu du vin, et Jiang Suizhou était plus ou moins ivre à ce stade. Il rentra au Hall Anyin sur son palanquin. Il voulait juste se reposer et faire des plans le lendemain.

Cependant, juste au moment où il atteignait l'entrée de la cour, il vit une silhouette élancée et grande se tenant là, attendant anxieusement.

Quand Jiang Suizhou regarda de plus près, il découvrit que c'était Wei Kai.

"Pourquoi es-tu ici ?" Alors qu’il descendait du palanquin, Wei Kai le salua.

Wei Kai s'approcha et sourit, "Votre Altesse, c'est notre Général... notre Dame qui a quelque chose à discuter avec vous, alors veuillez y aller."

Jiang Suizhou grogna en réponse et le suivit vers la chambre de Huo Wujiu.

Il prit une profonde inspiration.

Il savait que Huo Wujiu le cherchait pour quelque chose à ce moment, et que cela devait concerner Lou Yue. Si Huo Wujiu... le considérait vraiment comme un ami, il y avait de fortes chances qu'il y ait aussi quelque chose à propos de Lou Wanjun.

Jiang Suizhou se dit à lui-même : C'est bien ; c'est tout à fait normal. La seule chose qui ne l’était pas était ses pensées inappropriées, qu'il devait surmonter lui-même.

Quand il entra, il vit Huo Wujiu assis devant le hall en train de boire du thé. Quand Huo Wujiu le vit entrer, il tourna son regard dans sa direction.

Ses yeux noirs étaient très profonds.

D'une manière ou d'une autre, la fatigue que Jiang Suizhou avait accumulée toute la journée le frappa sans prévenir, rendant le bout de son nez un peu douloureux.

Il ne savait pas d'où venait cette fatigue mêlée de chagrin, mais il sentait que cette émotion déferlait tellement qu'il se sentait un peu dépassé.

Peut-être qu'il était trop ivre, alors il était un peu sensible et réfléchissait trop.

Après qu’il ce soit assis sur la chaise devant Huo Wujiu, ce dernier leva la main et fit signe à Wei Kai de s'éloigner.

"Tu as bu ?"

Huo Wujiu parla une fois que la porte de la chambre fut fermée.

Jiang Suizhou resta abasourdi.

Il avait imaginé beaucoup de choses en chemin, mais il n'avait jamais envisagé que la première phrase que Huo Wujiu lui poserait serait celle-ci.

Il ouvrit les lèvres, et quand il parla à nouveau, son ton avait déjà faibli.

"... Un peu," dit-il.

 

Traducteur: Darkia1030